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586. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Les estampes431 représentent dans une chaumière délabrée deux enfants, l’un de cinq ans, l’autre de trois, auprès de leur grand’mère infirme, l’un lui soulevant la tête, l’autre lui donnant à boire ; le père et la mère qui rentrent voient ce spectacle touchant, et « ces bonnes gens se trouvent alors si heureux d’avoir de tels enfants qu’ils oublient qu’ils sont pauvres »  « Ô mon père432, s’écrie un jeune pâtre des Pyrénées, recevez ce chien fidèle qui m’obéit depuis sept ans ; qu’à l’avenir il vous suive et vous défende ; il ne m’aura jamais plus utilement servi. » — Il serait trop long de suivre dans la littérature de la fin du siècle, depuis Marmontel jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, depuis Florian jusqu’à Berquin et Bitaubé, la répétition interminable de ces douceurs et de ces fadeurs  L’illusion gagne jusqu’aux hommes d’État. « Sire, dit Turgot en présentant au roi un plan d’éducation politique433, j’ose vous répondre que dans dix ans votre nation ne sera plus reconnaissable, et que, par les lumières, les bonnes mœurs, par le zèle éclairé pour votre service et pour celui de la patrie, elle sera au-dessus des autres peuples. […] Car le pacte social ne tolère pas une religion intolérante ; une secte est l’ennemi public quand elle damne les autres sectes ; « quiconque ose dire hors de l’Église point de salut doit être chassé de l’État »  Si enfin je suis libre-penseur, positiviste ou sceptique, ma situation n’est guère meilleure. « Il y a une religion civile », un catéchisme, « une profession de foi dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d’être bon citoyen ou sujet fidèle ». […] Dès la première année, Grégoire dira à la tribune de l’Assemblée constituante : « Nous pourrions, si nous le voulions, changer la religion, mais nous ne le voulons pas. » Un peu plus tard, on le voudra, on le fera, on établira celle d’Holbach, puis celle de Rousseau, et l’on osera bien davantage.

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