En quoi la nation française est coupable ; en quoi les Ordres immolés ont mérité de l’être ; comment il y a solidarité au sein du même Ordre, comment la peine du coupable est réversible jusque sur l’innocent, et le mérite de celui-ci reversible à son tour sur la tête de l’autre ; quelle mystérieuse vertu fut de tout temps attachée au sacrifice et à l’effusion du sang humain sur la terre ; quelle effrayante dépense il s’en est fait depuis l’origine jusqu’aux derniers temps, à ce point que « le genre humain peut être considéré comme un arbre qu’une main invisible taille sans relâche, et qui va toujours en gagnant sous la faux divine » : — telles sont les hautes questions, tels les dogmes redoutables que remue en passant l’esprit religieux de l’auteur ; et à la façon dont il les soulève, nul, après l’avoir lu, même parmi les incrédules, ne sera tenté de railler. […] Déjà dans les Considérations, M. de Maistre avait fort insisté sur l’ancienne constitution monarchique écrite es-cœurs des Français ; il revient expressément ici sur l’origine divine de toute constitution destinée à vivre. […] L’origine du mal, l’origine des langues, les destinées futures de l’humanité, — pourquoi la guerre ? […] Et pour que l’on comprenne mieux dans quel sens analogue à celui de M. de Maistre, voici ce qu’après un préambule sur ses principes spiritualistes et sur la liberté morale, Saint-Martin disait à son ami : « Supposant donc… toutes ces bases établies et toutes ces vérités reconnues entre nous deux, je reviens, après cette légère excursion, me réunir à toi, te parler comme à un croyant, te faire, dans ton langage, ma profession de foi sur la Révolution française, et t’exposer pourquoi je pense que la Providence s’en mêle, soit directement, soit indirectement, et par conséquent pourquoi je ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule. » « En considérant la Révolution française dès son origine, et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées, et où les justes et les méchants reçoivent dans un instant leur récompense ; car, indépendamment des crises par lesquelles la nature physique sembla prophétiser d’avance cette Révolution, n’avons-nous pas vu, lorsqu’elle a éclaté, toutes les grandeurs et tous les ordres de l’État fuir rapidement, pressés par la seule terreur, et sans qu’il y eût d’autre force qu’une main invisible qui les poursuivît ?