Chaque auteur, si jeune, si plein d’avenir qu’il soit, du moment qu’il a levé la tête et que son nom a été prononcé dans la cohue, est comme un ambitieux qui, se sentant miné d’une fièvre lente et voulant arriver au ministère, fait œuvre, sur l’heure, de toutes ses ressources, accumule et jette aux yeux tous ses expédients, et blanchit en deux ou trois chétives saisons plus qu’autrefois Sully en quarante ans. […] Une telle différence d’impression, si tranchée et si brusque, ne paraissait-elle pas signifier que probablement le talent de l’auteur d’Indiana, ainsi que celui de tant de femmes, avait pour limites la réalité restreinte d’une situation unique ; et que, cette situation une fois exprimée, il ne fallait guère espérer en dehors, pour les excursions futures de ce talent, que d’heureuses rencontres de hasard, des traits et des coins délicatement sentis, mais point de création ni d’œuvre ? […] Non, Indiana n’était pas une œuvre isolée, née d’un concours de circonstances fortuites, et qui ne dût pas avoir de sœur ; non, l’auteur n’était pas seulement doué d’une âme qui eut souffert et d’un souvenir qui sût se peindre. […] Valentine promet plus qu’Indiana, parce qu’Indiana, avec plus de profondeur, je crois, et d’originalité, pouvait sembler à la rigueur un de ces romans personnels et confidentiels comme on n’en a qu’un à faire avant de mourir, tandis que Valentine est véritablement l’œuvre d’un romancier peintre du cœur et de la vie, fécond en personnages, et qui n’a qu’à vouloir cheminer un peu patiemment pour arriver jusqu’au bout.