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1425. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Ce fut là, devant un public de lettrés, que nous lûmes Henriette Maréchal, à l’exemple d’autres auteurs plus connus que nous, aussi soucieux de leur dignité, et qui ne croyaient pas faire acte d’insolence envers le public, en consultant le premier salon de Paris sur l’effet d’une œuvre dramatique. […] Nous ne sommes pas de ceux qui écrivent pour tel ou tel théâtre ; nous écrivons pour le public que peut intéresser, sur n’importe quelle scène, une pièce qui a au moins la conscience d’être une œuvre d’art. […] Dans cette préface j’ai dit : Henriette Maréchal est une pièce « ressemblant à toutes les pièces du monde » et les ennemis de la pièce ont fait dire à cet aveu plus qu’il ne disait, déclarant que l’œuvre n’avait pas la plus petite qualité personnelle. […] ces outils de renouvellement, je les trouve… à l’état embryonnaire bien certainement, mais je les trouve dans Henriette Maréchal, dans cette pièce qui est un début, — et un début ne produit jamais une œuvre tout à fait supérieure. […] Obligé de reconnaître que le brutal aphorisme a du vrai pour aujourd’hui comme il en avait pour hier, et que la République n’a pas encore beaucoup fait pour la régénération du goût public, je me résigne, à peu près de la même manière qu’on se suicide, à imprimer cette pièce, un peu consolé cependant par un pressentiment vague, qui me dit qu’un jour, un jour que nous devons tous espérer, cette œuvre mort-née sera peut-être jugée digne d’être la voix avec laquelle un théâtre national fouettera le patriotisme à la France28.

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