On avait poussé le devoir de l’abnégation jusqu’à effacer des ouvrages le nom de l’auteur, et l’œuvre n’y portait pas la marque de l’ouvrier. […] Il abandonnait tous les droits du moi sur une œuvre collective, et n’en tirait tout au plus que le contentement d’avoir rempli, à son tour, une de ces modestes tâches de couvent, dans lesquelles les solitaires se relevaient d’après la discipline monastique. […] Mais, au temps de Pascal, et dans le saint asile de Port-Royal, l’œuvre passant avant l’ouvrier, on ne croyait pas faire tort à un écrit, en le retouchant au profit des doctrines communes ou de la paix chrétienne. […] A moins qu’il ne veuille tirer quelque gloire pour lui-même de cette affectation de jalousie pour l’intégrité des œuvres d’autrui, il prendra garde que le regret tout littéraire de quelques tours pittoresques effacés, de certaines hardiesses de pensée adoucies ou supprimées, ne lui fasse méconnaître l’innocence et la vertu de ceux que Port-Royal avait chargés de cette pieuse commission. […] Respectons un anonyme qui n’a pas été un raffinement de l’orgueil, rehaussant le prix de son œuvre par l’énigme d’une origine mystérieuse, mai » le secret d’honnêtes gens qui faisaient le bien sans vouloir être connus.