J’ai en ce moment sous les yeux un livre qui m’est envoyé par un des disciples de M. de Pontmartin en province4, et qui, au nom des mêmes principes aristocratiques, contient des amas d’invectives sur tous les écrivains du moment ; et l’auteur, assure-t-on, est un homme bien né, un marquis. […] Cette jeune enfant de dix à onze ains, amenée un matin au pensionnat par une mère belle, superbe, au front de génie et à la démarche orageuse ; le peu d’empressement de la maîtresse de pension à la recevoir, la froide réserve de celle-ci envers la mère, son changement de ton et de sentiment quand elle a jeté les yeux sur le front candide de la jeune enfant, les conditions qu’elle impose ; puis les premières années de pension de la jeune fille, ses tendres amitiés avec ses compagnes, toujours commencées vivement, mais bientôt refroidies et abandonnées sans qu’il y ait de sa faute et sans qu’elle se rende compte du mystère ; l’amitié plus durable avec une seule plus âgée qu’elle et qui a dans le caractère et dans l’esprit plus d’indépendance que les autres ; tout cela est bien touché, pas trop appuyé, d’une grande finesse d’analyse. […] Ce père qui refuse sa fille5, qui fait si bon marché de son bonheur, qui la déclare punie pour les fautes d’une autre, et la réduit de gaieté de cœur à l’état de paria pour toute sa vie, M. de Pontmartin l’estime sans doute sublime d’honneur et de délicatesse ; à mes yeux il ne vaut pas mieux que la mère, et il fait pis à sa manière : il fait le mal par préjugé et par orgueil, comme l’autre par abandon.