Nous pensons qu’il vaut mieux rentrer dans les montagnes, d’où l’on n’aurait pas dû sortir, et se préparer à s’y défendre ; car les raisons qui doivent nous porter à ne point livrer une bataille avant la jonction de l’armée des Alpes doivent décider l’ennemi à nous attaquer avant qu’elle soit effectuée ; mais les positions que nous devons occuper nous sont bien connues ; ce n’est pas une affaire de quelques heures qui pourra décider les succès de l’ennemi ; là, il ne s’agira pas d’une seule bataille, mais de vingt combats plus ou moins acharnés, sur des points difficiles, où leur nombreuse artillerie et leur cavalerie se trouveront à peu près paralysées. […] Saint-Cyr insista une dernière fois sur la possibilité d’une retraite à travers l’Apennin, indiquant avec précision les moyens, les positions à occuper : Cette proposition, ajoute-t-il (et lui seul a l’autorité suffisante pour faire accepter de telles paroles), ne put tirer Joubert de l’état d’incertitude où il était plongé ; il en était si affecté, qu’on peut dire qu’il en avait honte. […] Enfin, sur le soir, il parut décidé à la retraite ; il dit à ses généraux qu’ils pouvaient se rendre près de leurs troupes, et que d’ici à une heure ou deux il leur expédierait les ordres pour commencer le mouvement : mais ceux-ci avaient été trop longtemps témoins de cette funeste hésitation pour se persuader que le général en chef persisterait dans le parti qu’il semblait décidé à prendre ; ils se rendirent près de leurs troupes et s’occupèrent plus de dispositions de défense que de retraite.