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553. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

J’avais dessein d’abord, messieurs, de traiter à fond ce point devant vous, d’établir à ce propos le vrai principe de la tolérance en matière d’opinions, telle que je la conçois et que je la crois digne du xixe  siècle ; mais une occasion prochaine devant s’offrir où, si on daigne me le permettre, je me propose de vous exposer mes idées à ce sujet, je passe rapidement, et j’exprime seulement mon regret de trouver dans la Ici présente l’absence absolue de la seule juridiction de laquelle la presse me paraît devoir relever ; je déplore que, du moment qu’on prétendait rentrer dans la voie libérale, on ait tenu si peu de compte des grandes traditions que nous avaient léguées nos maîtres en politique : la loi, à ce titre, me paraît profondément défectueuse, et, s’il faut parler franc, profondément viciée dans sa constitution même. — Je passe outre. […] Vous l’ignorez ; il s’ignore en partie lui-même, tant que l’occasion ne lui a pas été donnée largement de s’exprimer et de s’affirmer. […] Mais, somme toute, comme j’entends dire que le bien l’emporte sur le mal, qu’il y a du mieux, qu’il y est déposé du moins un premier germe ; comme d’ailleurs certains adversaires en disent tant de mal qu’il faut bien qu’elle ait du bon ; comme enfin c’est une loi, et que toute loi vaut mieux qu’un pouvoir discrétionnaire prolongé, je me ferai un devoir d’en voter l’acceptation, non pas sans regret pour l’occasion en partie manquée dans le présent, et avec un vœu formel pour l’avenir.

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