Cette observation de Wagner montre que ce serait une erreur de croire, comme certains, que le mouvement manque chez l’homme civilisé pour l’expression des émotions : il est moins visible parce qu’il est plus délicatement manifesté. […] « Nous reconnûmes bientôt la nécessité, dit-il, de relever les mouvements plastiques en leur donnant un rythme. » Comme le grand éloignement qui se trouve entre l’acteur et le spectateur est supprimé dans le théâtre de Bayreuth (voir plus haut), le premier peut exprimer les mouvements expressifs des émotions intérieures, qui sont alors visibles pour le spectateur. — Aux gestes exagérés des bras, qu’il reprochait à l’instant aux acteurs, Wagner oppose des mouvements plus modérés : « Nous pensâmes, dit-il, qu’une simple élévation du bras ou un mouvement caractéristique de la main ou de la tête, suffirait à exprimer les émotions de l’acteur. » A cette immobilité contre nature du chanteur, à cette situation étrange où se trouvent les acteurs, dans les ensembles des opéras, a cette nécessité enfin de parler devant le public ou de se dérober aux trois-quarts à sa vue, Wagner remédie par une simple attitude, basée sur l’observation de la nature : « Nous tirâmes, dit-il, de la passion même du dialogue le changement de poses que nous cherchions : nous avions observé que les accents les plus pathétiques de la fin d’une phrase donnaient lieu naturellement à un mouvement de la part du chanteur. « En effet, la force de l’expression se porte toujours à la fin d’une phrase, et, même dans la conversation ordinaire, nous faisons involontairement un geste pour ponctuer en quelque sorte le sens de notre discours (tome X, 389 et sq.) « Ce mouvement fait faire à l’acteur un pas en avant et, en attendant la réponse, il tourne à demi le dos au public ; ce mouvement le montre en plein à son partenaire : celui-ci, en commençant sa réponse, fait aussi un pas en avant, et, sans être détourné du public, il se trouve face à face avec le premier. » Ce jeu de scène paraîtra bien simple et indigne d’explication à nos critiques qui n’y verront « qu’un truc » comme un autre. Nous y voyons, au contraire, combien cette observation de la nature, qui caractérisait ce génie sensualiste, qu’on appelle Wagner, lui fournissait aussi bien le plus petit jeu de scène que l’ensemble grandiose de son œuvre. Nous n’insisterons pas plus longtemps sur la technique de l’art wagnérien ; et nous allons la montrer appliquée au drame de Parsifal en suivant comme ordre dans notre étude l’observation des différentes espèces de mimique, que Wagner a indiquées. […] Cette étude nous fournira l’occasion d’expérimenter la justesse de l’observation de Wagner sur la différence des mouvements brusques du sauvage avec ceux plus complexes de l’homme perfectionné.