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527. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

On eût dit que ce geste d’une personne qui marche et qui a chaud rafraîchissait aussi sa mémoire… Quoique brisée par un long voyage en voiture, il lui restait encore de ce perpétuel déplacement une habitude de se mouvoir vite qui la faisait dix fois de suite se lever, agir, changer de place, jeter les yeux dans le jardin, donner un coup d’œil de bienvenue aux meubles, aux objets retrouvés. […] Dominique s’enivre de sa vue ; il ne se nourrit plus que d’une pensée unique, et, dans son reste d’enfance, il ne conçoit pas la moindre crainte pour l’avenir ; il ne s’est pas aperçu que parmi les objets de voyage qu’on déballait, près d’un bouquet de rhododendrons rapporté de quelque ascension lointaine et enveloppé avec soin, une carte d’homme s’est détachée, dont Olivier s’est emparé aussitôt, et qu’un nom inconnu a été prononcé pour la première fois : Comte Alfred de Nièvres. […] Nous sommes revenus à l’analyse morale la plus déliée, sans retomber dans le vague et le gris qui ôtait le relief et la forme aux objets environnants. […] L’homme bien né, ainsi qu’on l’entendait autrefois, était au milieu des belles choses comme dans son élément ; il y était chez lui, non pas insensible sans doute à la finesse et à la noble élégance des objets qui l’entouraient, mais il ne s’y montrait pas non plus perpétuellement attentif et tout occupé de les faire remarquer aux autres ; il vivait au milieu, il en usait, et il vaquait à ses affaires, à ses plaisirs, à ses sentiments.

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