Là même où domine l’idée, où la vérité plus que la beauté a été l’objet de l’écrivain, l’impression et l’interprétation personnelle sont à leur place : tout le monde ne voit pas tout ; les œuvres fortes ne se livrent qu’aux forts esprits ; et l’on se propose précisément, par l’exercice dont nous parlons, de former chez les jeunes gens une habitude d’aller au-delà du sens grossier que nul ne manque d’apercevoir, et un art de rassembler — dirai-je de mobiliser rapidement toutes leurs facultés, pour arracher au texte le plus possible de son secret. […] Objet Ce n’est pas d’ailleurs un exercice facile à bien faire. […] Ce jour est venu quand les textes français sont devenus objets d’étude, quand ils ont, en vieillissant, perdu pour les nouvelles générations cette clarté apparente d’expression et d’idée dont le premier public se contentait ; enfin quand les écoles et les collèges s’en sont emparés pour en faire les instruments de l’éducation de la jeunesse. Nos textes français sont devenus objets d’étude, d’abord, quand ils ont été élevés à la dignité de modèles : ce qui s’est produit pour la littérature du XVIIe siècle dès le début du XVIIIe. […] Un esprit gagné à la fine psychologie de Marcel Proust, et à la métaphysique qui s’y implique, soutiendrait sans doute que le moi et le non-moi sont inséparablement mêlés dans nos perceptions et notre connaissance, que s’il y a une réalité extérieure, elle ne se révèle à nous que par des réactions qui ne sont jamais les mêmes au même instant chez deux hommes, ni chez le même homme à deux moments différents, que nous sommes dans l’impossibilité de choisir entre les vingt images d’une personne que la vie a mises en nous, qu’il n’y en a pas une qui soit la seule vraie ni la plus vraie, ou que toutes sont vraies également, sans que nous puissions y distinguer ce qui est de l’objet perçu et ce qui est du sujet sentant.