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1264. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

À l’âge de quinze à vingt ans, à cette époque de l’existence où l’horizon de la vie est tout voilé d’une brume chaude qui noie et qui colore les contours secs de toutes choses ; à ce moment où la vie, commencée sans qu’on en aperçoive le terme, paraît longue comme l’infini ; à cette heure où cette vie n’a pas dit encore son dernier mot à l’adolescent qu’elle caresse ; à cette minute où l’amour, qui n’est au fond que l’éternité de la vie, déborde du cœur dans les sens et des sens dans le cœur, comme un océan de cette vie qui baigne tous les objets et qui les transfigure ; à cette période de votre jeunesse, disons-nous, avez-vous jamais voyagé en Italie, en rêvant, éveillé, la félicité d’Éden sous le ciel d’été de la campagne de Naples ou de Rome ? […] Une inclination qui n’a pour objet que les sens tourmente et abaisse ; celle qui ne s’attache qu’à la beauté de l’âme, à la bonté du cœur, aux charmes de l’esprit, ne peut qu’élever. […] C’est un défaut, disent les savants ; cette peinture n’est qu’une sorte de gravure, cette peinture fait penser et sentir, mais elle ne fait pas assez voir ; elle n’accentue pas assez les objets ; elle ne colorie pas assez la nature ; elle ne sculpte pas assez les figures sur la toile, par le jeu savant et puissant des jours et des ombres, pour faire saillir en relief les objets de la surface plane du tableau ; elle n’étonne pas comme Michel-Ange ; elle n’illumine pas comme Raphaël ; elle n’éblouit pas comme Titien ; elle n’éclabousse pas comme Rubens ; oui, mais elle rappelle Van Dyck, ce traducteur de l’âme sur les traits presque incolores de la physionomie.

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