Dieu seul connaît le but et la route, l’homme ne sait rien ; faux prophète, il prophétise à tout hasard, et quand les choses futures éclosent au rebours de ses prévisions, il n’est plus là pour recevoir le démenti de la destinée, il est couché dans sa nuit et dans son silence ; il dort son sommeil, et d’autres générations écrivent sur sa poussière d’autres rêves aussi vains, aussi fugitifs que les siens ! […] Le jour baissait, il fallait trouver un asile, ou sous la tente, ou sous quelque voûte de ces ruines, pour passer la nuit et nous reposer d’une marche de quatorze heures. […] Rien ne s’élevait au-dessus de cette mer de débris, et la nuit qui tombait des hauteurs déjà grises d’une chaîne de montagnes les ensevelissait successivement dans son ombre. […] Les cloches sonnèrent de toutes parts l’heure du recueillement et des offices du soir ; les unes avec la voix forte et vibrante des grands vents sur la mer, les autres avec les voix légères et argentines des oiseaux dans les champs de blé ; celles-ci plaintives et lointaines comme des soupirs dans la nuit et dans le désert ; toutes ces cloches se répondaient des deux bords opposés de la vallée, et les mille échos des grottes et des précipices se les renvoyaient en murmures confus et répercutés, mêlés avec le mugissement du torrent, des cèdres, et les mille chutes sonores des sources et des cascades dont les deux flancs des monts sont sillonnés.