Et tout cela enfermé et emmuré de tous côtés de monts d’une hauteur infinie. » Dans une de ses traites, son mal de reins le reprend, et sans s’effrayer, toujours courageux et de bonne composition, il estime qu’il est plus soulagé à cheval qu’en une autre posture : il en est quitte pour faire la traite plus longue ce jour-là, et le lendemain (ou le surlendemain) matin, après une nuit douloureuse, à son lever, il rend une pierre : ce qui ne l’arrête nullement. […] Voici, de tout le Journal, la page, selon moi, la plus caractéristique et la plus propre à nous faire juger de l’humeur excitée et charmante du voyageur excellent : « Je crois à la vérité, nous dit son secrétaire, que, s’il eût été seul avec les siens, il fût allé plutôt à Cracovie ou vers la Grèce par terre, que de prendre le tour vers l’Italie ; mais le plaisir qu’il prenait à visiter les pays inconnus, lequel il trouvait si doux que d’en oublier la faiblesse de son âge et de sa santé, il ne le pouvait imprimer à nul de la troupe, chacun ne demandant que la retraite, tandis que lui, il avait accoutumé de dire qu’après avoir passé une nuit inquiète, quand au matin il venait à se souvenir qu’il avait à voir ou une ville ou une nouvelle contrée, il se levait avec désir et allégresse. […] Le voyage pour Montaigne était comme un conte des Mille et une Nuits.