Nous pouvons aujourd’hui, à la faveur de la publication nouvelle, et en nous aidant aussi de celle de Genève, parler à notre tour, et en toute familiarité, de ce personnage excellent, de cet écrivain savant et utile, d’un ami de la France et de l’humanité. […] En 1830, la révolution qui nous affranchit d’un régime rétrograde l’exalte et le transporte comme un jeune homme : « La France, s’écrie-t-il, a relevé l’humanité à mes yeux. » Il croit voir s’ouvrir une ère nouvelle ; et les mécomptes du lendemain aussi, il les ressent presque comme l’un des nôtres. […] C’est ainsi qu’une nuit, en Italie, il rêva qu’il était à Genève, en tiers avec sa sœur et une autre dame genevoise ; celle-ci se mit à lui parler avec franchise de ses qualités et défauts, et, entre autres vérités un peu dures, elle lui dit : « J’ai encore un reproche impardonnable à vous faire : c’est d’avoir abandonné votre patrie, et d’avoir voulu renoncer au caractère de citoyen genevois. » — Je me défendis d’abord, nous dit Sismondi, qui a pris soin de relater par écrit ce songe, en représentant que la société n’était formée que pour l’utilité commune des citoyens ; que, dès qu’elle cessait d’avoir cette utilité pour but et qu’elle faisait succéder l’oppression et la tyrannie au règne de la justice, le lien social était brisé, et chaque homme avait droit de se choisir une nouvelle patrie.