De notre temps si la Prose s’altère sur quelques points, c’est pour s’enrichir par tant de conquêtes : rappelons-nous la comédie élargissant son domaine, le roman agrandi suscitant ses véritables chefs-d’œuvre, l’histoire faisant de son champ jadis étroit tout un monde d’explorations et de découvertes, la critique vraiment fondée et promue à la dignité d’un genre original où cinq à six hommes supérieurs ont véritablement créé, l’érudition réconciliée avec le beau style et devenue l’une des provinces de la haute littérature, la politique rendant parfois de mauvais services à la pureté de la langue, mais produisant aussi dans la presse et à la tribune d’admirables écrits de polémique et de non moins admirables discours, la philosophie et la religion enfin pour de nouveaux besoins et avec de nouveaux interprètes se créant aussi une langue nouvelle. […] C’est toujours la littérature française rajeunie par des chefs-d’œuvre en tous genres et surtout en des genres nouveaux. […] Aimons ce siècle de tout notre patriotisme littéraire, car il nous a fait de nouveau les maîtres de la forme et de la pensée devant les peuples éblouis, car il a une fois de plus imposé notre génie à l’émulation de l’Europe, et, j’oserai le dire, en imprimant à ce génie un caractère plus sympathique et plus humain encore et par là peut-être plus durable. C’est que notre littérature du dix-neuvième siècle a sur ses aînées cet incontestable avantage d’être plus accessible à tous et plus aimante pour tous, d’exprimer des sentiments plus fraternels et des idées plus généreuses, de se révéler plus philanthropique et, quoi qu’on dise, plus chrétienne, de porter sur elle-même le double signe des temps nouveaux, l’amour et la justice !