Mais il voulut rire de Mirabeau et de ses objections ; rappelant les critiques qu’avaient eu à essuyer de tout temps les entreprises nouvelles : « Quand elles étaient bien amères, disait-il, on les nommait des Philippiques ; peut-être un jour quelque mauvais plaisant coiffera-t-il celles-ci du joli nom de Mirabelles, venant du comte de Mirabeau, qui mirabilia fecit. » Le faiseur de calembours oubliait trop ici à qui il se jouait. […] On voit qu’il arrive à Beaumarchais comme à nous tous : nous devenons prudents et sages, du moment que nos passions s’apaisent, que nos intérêts (y compris les intérêts de nos talents et de nos facultés les plus chères) sont hors de cause ; celui qui a mis au monde Figaro, qui l’a poussé envers et contre tous, et qui n’a plus grand-chose de nouveau à ajouter, voudrait dire holà ! […] Entreprend-il de se justifier auprès de la Commune de Paris des sots griefs qu’on lui impute, comme d’avoir accaparé des armes, d’avoir des souterrains dans sa maison du boulevard, même d’avoir trompé autrefois les Américains par ses fournitures, il dira ingénument, en imitant les gageures et les défis à l’anglaise : Je déclare que je donnerai mille écus à celui qui prouvera que j’aie jamais eu chez moi, depuis que j’ai aidé généreusement l’Amérique à recouvrer sa liberté, d’autres fusils que ceux qui m’étaient utiles à la chasse ; Autres mille écus si l’on prouve la moindre relation de ce genre entre moi et M. de Flesselles… Je déclare que je paierai mille écus à qui prouvera que j’ai des souterrains chez moi qui communiquent à la Bastille… Que je donnerai deux mille écus à celui qui prouvera que j’aie eu la moindre liaison avec aucun de ceux qu’on désigne aujourd’hui sous le nom des aristocrates… Et je déclare, pour finir, que je donnerai dix mille écus à celui qui prouvera que j’ai avili la nation française par ma cupidité quand je secourus l’Amérique… Cette façon de tout évaluer en argent me paraît déceler un ordre de sentiments et d’habitudes qui était nouveau en littérature, et qui s’y naturalisa trop aisément. […] Tel est, ce me semble, le point actuel où en est la critique sur Beaumarchais, à la veille des documents nouveaux que M. de Loménie doit y introduire.