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258. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Ne nous faisons aucune illusion à cet égard ; il y a deux siècles de Louis XIV : l’un noble, majestueux, magnifique, sage et réglé jusqu’à la rigueur, décent jusqu’à la solennité, représenté par le roi en personne, par ses orateurs et ses poètes en titre, par Bossuet, Racine, Despréaux ; il y a un autre siècle qui coule dessous, pour ainsi dire, comme un fleuve coulerait sous un large pont, et qui va de l’une à l’autre régence, de celle de la reine mère à celle de Philippe d’Orléans. […] J’ai dit qu’il y a deux aspects du siècle ou règne de Louis XIV, l’aspect apparent, imposant et noble, et le revers, le fond, plus naturel, trop naturel, et où il ne faut pas trop regarder ; ajoutons seulement qu’à une certaine heure, et au plus beau moment du règne, deux hommes montrèrent, en plus d’une œuvre, ce que pouvait le génie en unissant les deux tons, en rompant en visière au solennel, et en faisant parler hautement et dignement la nature : ces deux hommes sont Molière et La Fontaine. […] Chaulieu ne quitta presque pas un jour, dans ses dernières années, le prince qu’il appelait son bienfaiteur et son ami, et avec qui il vivait depuis quarante ans dans le sein de la confiance et de l’intimité : « Ces sortes de mariages de bienséance, sans être un sacrement, disait-il, ont la même force que les autres, et se peuvent quasi aussi peu dissoudre. » Dans l’assertion grave de Saint-Simon, il faut faire la part de l’aversion bien connue du noble écrivain pour les gens de peu, redoublée de celle qu’il avait pour les poètes et rimeurs. […] Lemontey, qui ne trouve à ce sujet qu’une plaisanterie épigrammatique et sèche, ne les a pas senties, pas plus qu’il ne semble avoir apprécié le noble caractère de celle à qui elles sont adressées.

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