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520. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Il était naturel que la femme, à qui, surtout en ce temps-là, l’action était interdite, vécût un peu plus de rêves et d’émotions et les épanchât en poésie. […] Elle ne sera délogée et reléguée entre les conventions surannées que par Racine, qui retrouvera l’amour douloureux, l’antique désir, enveloppé et compliqué de tout ce que quinze ou vingt siècles ont ajouté au fond naturel de l’homme. […] Elle ne fut chez nos trouvères qu’une doctrine apprise, science, comme dit Montaigne, logée au bout de leurs lèvres, vaine et froide idéalité, aristocratique dessin d’une vie élégante, dont l’élégance consiste à exclure les sentiments naturels et à s’abstraire des conditions réelles de la vie. […] Dans le lyrisme savant, en résumé, rien n’est populaire, ni fond, ni forme ; par le raffinement des pensées, par l’artifice des vers, ces œuvres procèdent d’une essentielle aversion pour le vulgaire naturel : au bon sens, elles substituent l’esprit, et se proposent le plaisir d’une élite d’initiés, non l’universelle intelligibilité.

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