Louvois, mieux avisé, en présence de ce naturel fermé de si bonne heure et de cette précoce dissimulation du jeune duc, et quand on lui parlait des variations de physionomie et de sentiments qu’il laissait apercevoir pour ce mariage de Portugal, écrivait à son agent : « Je crains également le chagrin et la gaieté de M. le duc de Savoie. » Le jeune prince, une fois majeur, n’eut plus qu’une pensée : prendre le pouvoir, mais aussi cacher ses desseins. […] Cependant, le ministre influent, jusque-là créature de la France et instrument de Madame Royale, le marquis de Pianesse, pressentant le naturel du duc et sa force future, se retournait un matin de son côté, lui faisait conseiller sous main de se tirer de la tutelle où il était, et lui offrait pour cela ses services. […] Je lui vois, à regret, un naturel porté à la rigueur et à la violence, peu de tendresse et de sûreté… » Mais, à ce même moment, le jeune duc déjouait sa mère par une tactique hardie et habile ; il sentait où était la force, la menace d’oppression ; il essayait de la conjurer en feignant de l’accepter sans réserve, et il faisait de son côté des contre-propositions toutes soumises et tout humbles à Louis XIV.