des choses inaccoutumées qui les distinguent de l’ordinaire nature humaine et les parquent en dehors de son grand courant d’intuitions simples et primitives. […] Né avec les yeux retournés et dilatés du Voyant, Poe tenait par les ancêtres, l’éducation, les habitudes, toute cette seconde nature, à une société qui a le rayon visuel presque rectangulaire et qui ne l’applique qu’aux choses pratiques, géométriques et tangibles. […] Quelques grands noms, contestables d’ailleurs, ne constituent pas cet ensemble d’inventions, de traditions et de parentés intellectuelles qu’on appelle une littérature, et encore, parmi ces grands noms (si on excepte Fenimore Cooper, qui a cueilli la virginité de la Nature américaine), tous les écrivains de ce pays vivent sur le fond commun des littératures de l’Europe. […] La contradiction entre sa nature et ses idées lui donne une noirceur, une perversité, une impénitence du révolté qui verse le sinistre à flots dans ses inventions. […] C’était, de nature, un vrai poète, une incontestable supériorité d’imagination, faite pour aller ravir l’inspiration aux plus grandes sources ; mais il n’est pas bon que l’homme soit seul, a dit le Saint Livre, et Poe, ce Byron-Bohème, vécut seul toute sa vie et mourut comme il avait vécu, — ivre et seul !