/ 3301
1770. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Les auteurs n’y ont pas pensé ; mais telle est la nature d’une action, si elle est vraisemblable, que l’on en peut tirer toûjours quelque vérité : à l’entendre ainsi, les historiens mêmes font des fables. […] Combien de circonstances faudroit-il retrancher de ce discours pour le ramener à la nature ? […] On dit communément que la poësie n’est qu’une imitation de la nature ; mais cette définition vague n’éclaircit rien ; et il faut sçavoir précisément quel sens on y attache, au mot de nature et à celui d’imitation. […] Il faut donc entendre par le mot de nature, une nature choisie, c’est-à-dire, des caracteres dignes d’attention, et des objets qui puissent faire des impressions agréables ; mais qu’on ne restraigne pas ce mot d’agréable à quelque chose de riant : il y a des agrémens de toute espece, il y en a de curiosité, de tristesse, d’horreur même. […] Je croirois donc qu’il faudroit définir la poësie, l’art qui par le discours en vers, imite la nature avec choix et avec un dessein sensible de donner certaines idées, ou d’exciter certains sentimens.

/ 3301