/ 3301
1399. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Je n’ai pas à caractériser ici le dessein général et la pensée politique qui peut inspirer cet écrivain patriote, je ne cherche que le côté historique ; et quand il n’y aurait que les Mémoires authentiques où l’Impératrice Catherine a raconté les premières années de sa jeunesse et de sa vie si contrainte et si intriguée avant d’atteindre à l’empire, qui donc parmi les lecteurs sérieux et les observateurs de la nature humaine pourrait y rester indifférent ? […] Mais la nature humaine est moins simple, l’histoire des nations est d’une formation plus dure et plus rebelle, le bien et le mal y sont moins aisés à démêler, à produire ou à corriger, que cette théorie ne le suppose ; et si fâcheux souvent qu’ils soient, si à charge ; qu’on les trouve pour les inconvénients dont ils font payer leurs qualités, on n’est pas, encore arrivé, dans notre Europe du moins, à rendre inutiles pour le gouvernement des États les grands caractères et les grands hommes. […] Elle ne le dit peut-être pas en propres termes, mais elle force tout lecteur à le dire : — une brute bizarre et bigarrée de folie. — Dès l’enfance, il parut si mal élevé qu’on crut que son gouverneur, le grand maréchal Brummer, Suédois de naissance, dès qu’il vit que le prince n’était point destiné au trône de Suède, mais à celui de Russie, changea de méthode et s’appliqua à lui gâter le cœur et l’esprit de propos délibéré : le maréchal en était bien innocent et n’en pouvait mais ; la nature de l’élève suffisait de reste à tous ses vices. […] Elle a pour principe essentiel de n’être à charge à personne, se sentant par nature pour être de ces âmes royales qui ont leur support en elles-mêmes et de qui d’autres peuvent dépendre, mais qui ne dépendent pas.

/ 3301