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1218. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Étienne n’a pas reçu de la nature et ne s’est pas donné par une émulation acquise cet aiguillon, cet éperon intérieur de ceux qui se tourmentent eux-mêmes. […] Beyle, en cela, se livrait à sa verve, à sa nature d’esprit, et aussi il avait intérêt à ce que la conversation fut des plus vives : il s’était chargé d’envoyer à je ne sais quelle Revue anglaise des nouvelles de notre littérature, et il venait s’approvisionner le dimanche dans le salon de M.  […] Ses livres, en un mot, ne sont pas de nature à donner de lui une idée supérieure à celle qu’imprimait sa personne présente. […] À la longue et à force d’habiter l’Italie, il perdit un peu l’air de France et le fil des idées du temps ; à force de craindre la pédanterie, il en contracta une d’une espèce particulière : c’était de vouloir être plus vif que nature et de professer le naturel en des termes qui semblaient un peu cherchés. […] » Puis s’arrêtant tout à coup : « Il y aurait là cinquante mille fenêtres que je m’en précipiterais d’un coup, en témoignage de ce que j’avance. » En laissant échapper ces dernières paroles, il appuyait la main tantôt sur l’épaule de M. de Laval, tantôt sur celle de Lord Kinnaird et du duc de Rohan, qui, ainsi que les autres assistants, ne pouvaient se tenir de rire, hilarité à laquelle le bon Ballanche se laissa bientôt aller lui-même. » Voilà un portrait d’ami pris sur nature et qui sort tout : vivant d’un croquis, ou d’un procès-verbal tracé évidemment le soir même.

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