Pourquoi un livre qui n’a été écrit qu’en vue d’une nation et dans un dessein tout particulier, tout local, devient-il, presque dès sa naissance, le livre des autres nations voisines et l’enfant adoptif de tout le monde ? […] Le traducteur avait tâché, comme il disait, d’accommoder son texte au génie et au goût de notre nation, sans trop s’éloigner du sujet, et de telle sorte que quelques endroits sentissent encore l’espagnol ; car, remarquait-il naïvement, « j’ai cru qu’une traduction doit toujours conserver quelque odeur de son original, et que c’est trop entreprendre que de s’écarter entièrement du caractère de son auteur. » Cette traduction de Filleau de Saint-Martin, qui est des meilleures dans le goût du xviie siècle, et des plus belles comme on disait alors, fut aussi attribuée à M. […] Jugeant en parfaite connaissance de cause les écrivains espagnols, Saint-Évremond disait : « Il y a peut-être autant d’esprit dans les autres ouvrages des auteurs de cette nation que dans les nôtres ; mais c’est un esprit qui ne me satisfait pas, à la réserve de celui de Cervantes en Don Quichotte, que je puis lire toute ma vie sans en être dégoûté un seul moment.