/ 1692
196. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ainsi la découverte du feu, l’application de cet élément aux usages de la vie, l’art de forger les métaux, l’idée de fertiliser la terre en la remuant, la première et la grossière ébauche d’une charrue, voilà sans doute quels furent les premiers titres pour les éloges des nations : tout ce qui est vil aujourd’hui commença par être grand. […] Les druides étaient les philosophes et les prêtres de la nation ; les bardes étaient les chantres et les panégyristes des héros. […] Ainsi partout l’intérêt public a dicté les éloges ; chaque nation a loué ce qui était utile à ses besoins ou à ses plaisirs ; on a loué la piraterie chez les Scandinaves, le brigandage chez les Huns, le fanatisme chez les Arabes, les vertus douces et les talents chez les peuples civilisés, la chasse ou la pêche chez les sauvages, la navigation chez les habitants des îles ; mais il y a une qualité qui partout a toujours été également louée, c’est celle qui a créé toutes les révolutions, qui bouleverse tout, qui assujettit tout, qui soutient les lois et qui les combat, qui fonde les empires et qui les détruit, à qui tout est soumis dans la nature, et devant qui l’univers et les panégyristes seront éternellement prosternés : la force.

/ 1692