Thalès y perd ses jours, Heraclite en pâlit, Démocrite en riant a broyé la matière ; Il livre à deux amours cette immense poussière, Et le repos y naît d’un éternel conflit. […] Quand les trois Nornes, assises sur les racines du frêne Yggrasill, symbole du monde, élèvent leurs voix tour à tour, la première chante le passé, car elle est la vieille Urda, « l’éternel souvenir », la seconde chante le présent solennel, le jour heureux et fécond où le juste est né : Ce fruit sacré, désir des siècles, vient d’éclore. […] Le juste est né, le juste mourra. […] Et c’est du sein même de l’homme que naîtra l’idée de la justice, et cette idée détrônera celle de Dieu, de l’être prétendu parfait et bon dont l’œuvre est imparfaite et mauvaise. Il y a de l’éloquence dans ces vers où Caïn raconte comment il est né, comment Eve, au sortir de l’Éden, les flancs et les pieds nus, s’enfonçant dans l’âpre solitude, l’enfanta : Mourante échevelée, elle succombe enfin, Et dans un cri d’horreur enfante sur la ronce Ta victime, Jahvèh !