Nos désirs sont une chose momentanée et souvent funeste même à nous, mais nos facultés sont permanentes et leurs besoins ne cessent jamais : il se peut donc que la conquête du monde fût nécessaire à Alexandre, comme la possession d’une cabane à un berger. […] La douleur est un des éléments nécessaires de la faculté d’être heureux, et nous ne pouvons concevoir l’une sans l’autre. […] Une sorte de rage est nécessaire pour vaincre en soi l’instinct conservateur de la vie, quand ce n’est pas un sentiment religieux qui nous en demande le sacrifice. […] L’ennui véritable, celui des esprits actifs, c’est l’absence d’intérêt pour tout ce qui nous entoure combinée avec des facultés qui rendent cet intérêt nécessaire : c’est la soif sans la possibilité de se désaltérer. […] La plupart des préceptes de l’Évangile manqueraient de base, s’il était permis de se donner la mort ; car le malheur inspire à l’âme le besoin d’en appeler au Ciel, et l’insuffisance des biens de ce monde est ce qui rend surtout une autre vie nécessaire.