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41. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Il faut l’avouer, les exemples que l’on avait mis en scène n’étaient propres à illustrer qu’un cas particulier des effets de la faculté bovaryque, tandis qu’ils repoussaient dans l’ombre tous les cas où le pouvoir de se concevoir autre emporte avec lui le pouvoir de s’égaler au modèle, d’acquérir par le moyen d’un phénomène d’aimantation des qualités nouvelles. […] Dans les cas normaux où il sera maintenant considéré, il va au contraire s’exercer d’une manière efficace ; il va comporter un pouvoir de réalisation et d’adaptation, c’est-à-dire qu’il sera un moyen pour un être d’ajouter quelque chose à sa personnalité, de la modifier sans la détruire, de la déplacer sans la briser. […] Se concevoir autre par le moyen de l’éducation, subir la suggestion de la notion, c’est se déplacer et progresser, c’est se montrer capable de saisir la corde tressée par l’industrie de l’humanité, et de hisser, par un raidissement de l’effort, sa propre et frêle personnalité jusqu’au plateau conquis et aménagé par les meilleurs de l’espèce. […] Il suffit pour s’en rendre compte do jeter un regard sur tout ce que l’homme acquiert par le moyen de l’éducation, depuis le langage jusqu’aux notions scientifiques les plus complexes, jusqu’aux jouissances esthétiques les plus hautes. […] De même, ainsi qu’on l’a déjà noté, la civilisation romaine a servi de corset utile à celles de ces masses humaines qui se fixèrent dans le sud de l’Europe : agissant d’une façon plus directe que l’idéal chrétien, elle a été pour elles un puissant moyen d’organiser le droit de propriété, hase et moyen à son tour de toute civilisation supérieure.

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