Il en est ainsi de la privation des bras ; cette faiblesse a bien d’autres effets que d’empêcher de faire certains mouvements et de rendre difficiles ou embarrassantes les moindres actions de la vie commune, ce qui serait déjà un mal bien triste par sa continuité ; cette faiblesse ôte toute confiance dans l’avenir, entrave la vie entière, borne toute perspective, assujettit à cent besoins qu’on eût méprisés et, à la place d’un rôle d’homme, vous jette dans une dépendance aussi grande que celle des femmes. […] « Si licet magnis obscura componere… Quelqu’un de puissant alors (un prince) eut de son propre mouvement une intention dont je n’aurais presque sûrement voulu tirer aucun autre avantage que celui de recevoir par cette voie une de ces sortes de places que les gouvernements donnent, et qui, laissant l’indépendance, ne sont qu’un prétexte pour y joindre un revenu qui prolonge cette indépendance. […] « De bonne heure j’ai demandé aux hommes quelle loi il fallait suivre ; quelle félicité on pouvait attendre au milieu d’eux, et à quelle perfection les avaient conduits quarante siècles de travaux : ce qu’ils me répondirent me parut étrange ; ne sachant que penser de tout le mouvement qu’ils se donnent, j’aime mieux livrer mes jours au silence et achever dans une retraite ignorée le songe incompréhensible. […] « Des chèvres, des canards, des poules et des paons forment à peu près tout le peuple de nos serviteurs : ou plutôt ils exigent des soins ; et des soins assidus, mais exempts d’inquiétude, s’accordent très-bien avec le paisible mouvement de nos journées. « Pour moi, je ne manque point d’occupations importantes ; tantôt je dirige l’eau dans le potager, tantôt j’écarte la neige qui embarrasserait les sentiers.