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1354. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Mais, comme ces hommes simples sont aussi les plus impressionnables et les plus séductibles de tous les hommes, et en même temps les plus incapables d’analyser en masse un ouvrage de dix volumes, accumulés d’une main de géant pour mêler le vrai et le faux, le raisonnement et le sentiment dans un mouvement d’art inextricable, je lui proposai d’en causer à loisir, et de me permettre de l’interroger en notant ses réponses. […] On se livre à lui malgré soi ; il s’empare de vous ; on ne croit que la moitié de ce qu’il dit, l’autre moitié vous fait peur ou horreur ; on voudrait raisonner contre lui, on n’en a pas le temps, on va, on va, on va ; c’est ce qu’on appelle la verve, la couleur, le feu du génie, le délire de la langue, la folie du mouvement. […] « … Le conventionnel mourant, le buste droit, la voix vibrante, était, dit-il, un de ces grands octogénaires qui font l’élément du physiologiste ; la révolution a eu beaucoup de ces hommes proportionnés à l’époque ; on sentait, dans ce vieillard, l’homme à l’épreuve ; si près de sa fin, il avait conservé tous les gestes de la santé ; il y avait dans son œil clair, dans son accent ferme, dans ses robustes mouvements d’épaules, de quoi déconcerter la mort.

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