Forcé dans la suite d’implorer la protection des princes d’Italie, il vécut dans différentes cours et mourut en 1321, âgé de cinquante-six ans, chez Gui de Polente, prince de Ravenne. […] L’Italie donna le nom de divin à ce poëme et à son auteur ; et quoiqu’on l’eût laissé mourir en exil, cependant ses amis et ses nombreux admirateurs eurent assez de crédit, sept à huit ans après sa mort, pour faire condamner le poëte Cecco d’Ascoli à être brûlé publiquement à Florence, sous prétexte de magie et d’hérésie, mais réellement parce qu’il avait osé critiquer Dante. […] Si jamais, ce qu’il n’est pas permis de croire, notre théologie devenait une langue morte, et s’il arrivait qu’elle obtînt, comme la mythologie, les honneurs de l’antique ; alors Dante inspirerait une autre espèce d’intérêt : son poëme s’élèverait comme un grand monument au milieu des ruines des littératures et des religions : il serait plus facile à cette postérité reculée de s’accommoder des peintures sérieuses du poëte7, et de se pénétrer de la véritable terreur de son Enfer ; on se ferait chrétien avec Dante, comme on se fait païen avec Homère. […] Il arrivait quelquefois qu’un homme voyait son génie avant de mourir ; mais le cas était rare, et on ne compte guère que Dion, Socrate et Brutus qui aient eu cet avantage.