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409. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Leoncavallo, mais je connais celle de Puccini, qu’on dit beaucoup plus triste et sentimentale : le sentimentalisme y foisonne en effet ; parmi la neige Mimi arrive en toussant, et elle meurt d’une phtisie aussi galopante que l’exige la rapidité conventionnelle des opéras, face au public. […] Mais Mimi est un être qui ne sait pas se reprendre, qui meurt d’un mirage déçu et qui, arrachée à une vie tranquille et sûre, à un avenir peut être heureux, à une future union de cœur et d’esprit grave à quelque honnête homme, par le bellâtre Rodolphe, meurt moins encore de phtisie que de dégoût secret devant la déchéance, la paresse et la veulerie de ce flâneur qui a l’audace de se déclarer fatigué d’elle. […] Avec la ruine de la littérature du sentiment, de la peinture de genre et de la musique langoureuse, avec le retour de l’intellectualité française à ce genre d’ouvrages insolents, dont parle Stendhal, qui forcent le lecteur à penser au lieu d’émouvoir simplement ses nerfs, avec l’avènement de l’artiste aux suprématies morales dans une époque où les hiérarchies se meurent, le spectre grimaçant de l’ancien bohème, outrageant la noblesse vivante de l’artiste, avec celui du névrosé, de l’égotiste et de l’arriviste va reculer définitivement au fond de la région des ombres.

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