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381. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Le christianisme, en son essence, n’est rien d’autre, ainsi que le boudhisme, qu’une attitude pour se résigner et, au besoin, pour mourir : les faibles, convaincus de leur faiblesse, renoncent à la lutte pour la puissance, ils renoncent à jouer une partie qui n’offre pas même d’aléa et où ils savent qu’ils ne peuvent gagner. […] L’idée chrétienne qui concluait à renoncer et aspirait à mourir n’est donc intervenue parmi ces ferments d’énergie forcenée que comme un poison propre à les engourdir et à les atténuer, et il s’est trouvé qu’à l’égard de cette énergie du monde barbare, trop sauvage et trop ardente, ce poison fut utile. […] C’est cette crainte du passé et du modèle ancien qu’Ibsen a mise en scène dans Les Revenants et qu’il exprime en cette phrase de Mme Alving : « Ce n’est pas seulement le sang de nos père et mère qui coule en nous, c’est encore une sorte d’idée détruite, de croyance morte, et tout ce qui en résulte. Cela ne vit pas, mais ce n’en est pas moins là, au fond de nous-mêmes, et jamais nous ne parvenons à nous en délivrer. » Cette croyance morte, en effet, a laissé son empreinte dans la loi religieuse et civile, dans la coutume, dans les prescriptions écrites, dans l’ordre établi. […] Si le père d’une fille unique mourait sans avoir adopté ni testé, l’ancien droit voulait que son plus proche parent fût son héritier ; mais cet héritier avait l’obligation d’épouser la fille.

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