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1604. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Le formalisme dans l’art, au contraire, finit par faire de l’art une chose tout artificielle et conséquemment morte. […] L’idée philosophique de l’évolution universelle « est voisine de cette autre idée qui fait le fond de la poésie : vie universelle9. » Si le mystère du monde ne peut être complètement éclairci, il nous est pourtant impossible de ne pas nous faire une représentation du fond des choses, de ne pas nous répondre à nous-mêmes dans le silence morne de la nature : « Sous sa forme abstraite, cette représentation est la métaphysique ; sous sa forme imaginative, cette représentation est la poésie, qui, jointe à la métaphysique, remplacera de plus en plus la religion. » Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’art a caractérisé tous les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a parfois inspiré une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même. « Le jour où les poètes ne se considéreront plus que comme des ciseleurs de petites coupes en or faux où on ne trouvera même pas à boire une seule pensée, la poésie n’aura plus d’elle-même que la forme et l’ombre, le corps sans l’âme : elle sera morte. » Notre poésie française, heureusement, a été dans notre siècle tout animée d’idées philosophiques, morales, sociales.

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