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680. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

J’entendais, à ce propos, l’autre jour, un de nos braves et spirituels généraux lâcher sous sa moustache le mot de pédantisme. […] Il a des mots d’une expression poignante, des mouvements sentis, éloquents, mais aussi (et j’en ferai juge les plus désintéressés) des paroles d’injustice. […] On ne dit pas mieux en moins de mots : Pour remettre mon esprit en équilibre, écrivait-il à M. de Corcelles (un esprit à la fois libéral et religieux, et à qui il savait que cela ferait plaisir), je lis toujours, de temps en temps, du Bourbaloue ; mais je crains bien que le bon Dieu ne m’en sache pas beaucoup de gré, parce que je suis trop frappé du talent de l’écrivain et trouve trop de plaisir à la forme de sa pensée. […] Où Bourdaloue, qui avait vécu si longtemps en province, avait-il pu acquérir ces finesses de l’art, et, parmi les qualités plus substantielles encore que celles dont je parle, le don de choisir le mot nécessaire (il n’y en a jamais qu’un), et de vider, pour ainsi dire, la pensée de toutes les choses qu’elle contient ? […] Ce mot de sauvage est le mot juste ; c’est bien l’effet que produit par moments cette singulière et si brusque éloquence des sermons de Bossuet, à laquelle les critiques classiques proprement dits, de l’école de La Harpe, ont eu tant de peine à s’accoutumer.

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