. — Comme toutes les tendances, celle-ci aboutit à un signe ; admettons pour ce signe le mot ordinaire, deux. […] Pareillement encore, quand nous le lisons ou que nous l’entendons, nous n’avons qu’à insister pour évoquer intérieurement, comme en présence du mot chat ou du mot bouleau, l’image d’un cas où il s’applique ; nous imaginons un jeton à côté d’un jeton, une pierre à côté d’une pierre, un son après un son, comme tout à l’heure nous imaginions un museau fin avec un poil gris ou blanc, un mince tronc blanc avec de petites feuilles frissonnantes. — Il en est de même pour les mots trois, quatre ; cela est plus difficile pour les mots cinq, six ; la difficulté va croissant pour les nombres supérieurs, et il y a toujours un chiffre plus ou moins élevé où tout esprit s’arrête ; nous ne pouvons pas percevoir ou nous représenter distinctement ensemble au-delà d’un certain nombre de faits ou d’objets ; d’ordinaire, c’est cinq ou six, plus souvent quatre. — Pour remédier à cet inconvénient, nous négligeons le groupe qui correspond au mot ; nous ne donnons plus d’attention qu’au mot substitut ; après avoir vu ensemble quatre objets, nous les oublions pour ne plus songer qu’au mot quatre, et nous pouvons les oublier, parce que plus tard, revenant sur le mot et appuyant dessus, nous les reverrons intérieurement, sans méprise ni confusion. […] Rien, sinon une première série de mots abstraits qui désignent le genre de la figure, et une seconde série de mots abstraits qui désignent l’espèce de la figure, la seconde étant combinée avec la première, comme une condition ajoutée à une condition. En d’autres termes, un caractère abstrait, noté par les premiers mots, a été uni à un autre caractère abstrait, noté par les seconds mots, et le composé total, ainsi fabriqué, désigne une chose nouvelle, que nos sens n’atteignent pas, que notre expérience ne rencontre pas, que notre imagination ne sait pas tracer. […] Nous croyons avoir, par-delà nos mots généraux, des idées générales ; nous distinguons l’idée du mot ; elle nous semble une action à part, dont le mot est seulement l’auxiliaire ; nous la comparons à l’image ; nous disons qu’elle fait le même office dans un autre domaine et nous rend présentes les choses générales, comme l’image nous rend présents les individus.