Un duel de quatre contre quatre auquel, dit-on, il assista et où il y eut mort d’homme, le força de quitter la France et de se réfugier en Savoie. […] Mais la mort de la vieille duchesse d’Angoulême en 1682, et celle surtout de la reine en 1683, vinrent arrêter la fortune et intercepter en quelque sorte la vocation de Sénecé. […] Il se compare à Clément Marot, poète et valet de chambre également, et qui s’est mal trouvé en Cour des accusations et calomnies de ses ennemis ; mais Sénecé n’a pas d’ennemis, il n’a pas été calomnié ; à lui, il ne lui est arrivé qu’un accident bien simple : une mort de reine l’a dégagé d’une domesticité honorifique, d’une chaîne dorée ; il est retombé dans son ordre et dans sa classe : c’est assez pour son malheur, pour son incurable ennui, car le bonheur le plus souvent dépend pour nous de ce premier cadre idéal dans lequel l’imagination, dès la tendre jeunesse, s’est accoutumée à placer et à découper la perspective flatteuse de la vie. […] Il était depuis quelques années, et par suite de la mort de la reine, sous le coup de ce qu’il appelait sa disgrâce et son exil. […] Le poète pense à un autre poète de ses amis, à un hôte lointain dont il vient d’apprendre à l’improviste la mort déjà ancienne, et qui avait fait lui-même des élégies mélodieuses : Quelqu’un, ô Héraclite, m’a dit ton trépas et m’a plongé dans les larmes, et je me suis ressouvenu combien de fois tous les deux nous avions, au milieu de nos doux entretiens, enseveli le soleil : mais toi, cher hôte d’Halicarnasse, dès longtemps, je ne sais où, tu n’es que cendre.