Et ces deux faces de la sensibilité morale de Heine alternent et se succèdent sans ménagement, sans intermédiaire, par des juxtapositions telles que le charme de l’une se trouve heurté et relevé par le choc de l’autre, comme une teinte zébrée de sa complémentaire s’exalte. […] Ce partage de la sensibilité entre les deux affections contraires les plus puissantes, cet acharnement d’une lutte où chaque coup porté ensanglante deux poitrines, fait des ironies du poète allemand quelque chose de tragique et d’insensé ; ces éclats de rire stridents qui partent au bout des pièces les plus calmement rêveuses, avec une dissonance accrue par la traîtrise des débuts pacifiques, ce passage d’un état d’âme paisible à une subite crispation de douleur, la révulsion nerveuse qui s’est opérée tout à coup dans l’esprit de l’amant accusent devant le lecteur comme un commencement de démence, une sorte de spasme hystérique, un excès de douleur morale que l’âme ne peut souffrir sans être arrachée de ses gonds. […] L’hérédité morale se manifeste aussi clairement dans la race juive.