Amyot a rendu des services, 1º un service inappréciable à la langue, en la répandant et en la popularisant dans ses meilleurs tours, dans son économie la plus ample et la plus facile, dans sa diction la plus large et la plus sincère, à l’aide de l’intérêt qui s’attachait aux Vies de Plutarque ; 2º il a rendu un service non moindre à la raison et au bon sens public en faisant circuler Plutarque, et ses trésors de vertu antique et de morale, dans toutes les mains, à l’aide d’une langue si claire, si facile, si diffuse, si courante et si riante. […] Rien ne peint mieux la morale d’une époque et d’une cour qu’une telle publication de la part d’un homme d’Église, précepteur en titre des fils du roi, une licence de cette force et qui paraît chose toute simple. […] Ce sont tous ces trésors si neufs alors, trésors de morale, trésors d’héroïsme, qu’Amyot, le premier, versa si copieusement à la fois et si limpidement dans le torrent de la circulation au xvie siècle, de ce siècle corrompu et fanatique, comme pour l’épurer et l’humaniser, et dont la reconnaissance universelle, le cœur de tous les honnêtes gens, lui sut un gré infini. […] Au commencement du xviiie siècle, Massillon me paraît souvent un Amyot en chaire, par l’ampleur et l’économie de ses phrases, comme par la riche et un peu diffuse abondance de sa morale.