Quelques sermons que Bourdaloue eut l’occasion de prêcher pendant qu’il professait la théologie morale, avaient cependant déclaré ce qu’il était avant toute chose, et le succès qu’ils eurent détermina le choix que ses supérieurs firent de lui pour l’appliquer uniquement à la prédication. […] Singlin, à Port-Royal de Paris ; Desmares, à Saint-Roch, avaient donné l’idée d’une instruction morale, ferme, sensée et pure, et d’une éloquence judicieuse. […] Il excelle d’ordinaire dans le choix de ses textes et dans le parti qu’il en tire pour la division morale de son sujet : mais mainte fois il est subtil ou il semble l’être dans l’interprétation qu’il donne, dans l’antithèse qu’il fait des divers mots de ce texte ; on dirait qu’il les oppose à plaisir et qu’il en joue (comme saint Augustin), et ce n’est qu’au développement qu’on s’aperçoit de la solidité du sens en même temps que de la finesse de l’analyse. […] C’est en effet l’impression que donne la savante disposition de son discours, cette forme de dialectique morale et de démonstration ferme qui s’avance d’abord sur deux ou trois lignes de front, et qui aime encore à se subdiviser dans le détail par groupes de trois ou quatre arguments. […] Cet éloge funèbre du Grand Condé, dont Mme de Sévigné a esquissé une vive analyse dans une lettre à Bussy et dont elle se disait transportée, est d’un caractère à part et garde encore l’empreinte morale de la manière de Bourdaloue ; il laisse la vie glorieuse et mondaine du prince, ou plutôt, dans cette vie, il ne s’attache qu’à son cœur, à ce qui s’y conserve d’intègre, de droit, de fidèle, jusque dans ses infidélités envers son roi et envers son Dieu, et il va dégageant de plus en plus cette partie pure, héroïque et chrétienne, jusqu’à ce qu’il la considère en plein dans la maturité finale et un peu tardive de ses dernières années.