Dans la peinture des hommes, la recherche du « caractère dominant », dont parle Taine, n’est autre chose que la recherche de l’individualité, forme essentielle de la vie morale. […] Un des traits caractéristiques du roman psychologique ainsi conçu, c’est ce qu’on pourrait appeler la catastrophe morale : nous voulons parler de ces scènes où aucun événement grave ne se passe d’une manière visible, et où pourtant on peut percevoir nettement la défaillance, le relèvement, le déchirement d’une âme. […] On peut trouver un exemple de catastrophe purement morale dans la scène culminante de la Curée, — un roman prolixe d’ailleurs et souvent déclamatoire. […] Toutefois, ce qui établit une différence considérable entre lui et par exemple Alexandre Dumas, le grand conteur d’aventures, c’est que le coup de théâtre n’est pas par lui-même et à lui seul son but : c’est seulement pour Hugo, le moyen d’amener une situation morale, un cas de conscience. Presque tous ses romans et tous ses drames, depuis Quatre-vingt-treize et les Misérables jusqu’à Hernani, viennent aboutir à des dilemmes moraux, à de grandes pensées et à de grandes actions ; et c’est ainsi, à force d’élévation morale, que le poète finit par reconquérir cette réalité qui lui manque tout à fait dans l’enchaînement des événements et dans la logique habituelle des caractères.