Ce n’est pas qu’il ne l’eût jugé au moral et littérairement : Pour moi, dit-il, ouvrant les yeux autour de moi au sortir de l’enfance, je vis que l’argent et l’intrigue sont presque la seule voie pour aller à tout ; je résolus donc dès lors, sans examiner si les circonstances me le permettaient, de vivre toujours loin de toute affaire, avec mes amis, dans la retraite et dans la plus entière liberté. […] Le sentiment qui le jette hors de lui et le porte en avant, est surtout moral : c’est la haine de l’homme intelligent contre les brouillons, de l’homme d’esprit contre la sottise, de l’homme de cœur contre les lâches manœuvres et les infamies ; c’est le dédain d’un stoïcien passionné et méprisant contre la tourbe de ceux qui suivent le torrent populaire et qui flagornent aujourd’hui la multitude comme ils auraient hier adulé les rois ; c’est l’expression irrésistible d’une noble satire qui lui échappe, qui se profère avec indignation et bonheur, qui se satisfait quand même, dût-elle ne produire d’autre effet en s’exhalant que de soulager une bile généreuse. […] Aristote et Burke avaient déjà remarqué que le caractère moral du démagogue flatteur du peuple, et celui du courtisan flatteur des rois, se ressemblent identiquement au fond.