Nous avons besoin, pour ne pas sourire de pitié à la vue de ces conceptions grandioses, envolées en fumée et pour jamais évanouie, de nous souvenir de cette parole même du marquis de Posa : « Dites-lui, quand il sera homme, de garder du respect pour les rêves de sa jeunesse. » C’étaient en effet de purs rêves, c’étaient des jeux d’enfant sublime que ces scènes de Schiller ; ce sont des monstruosités de grandeur comme se les figure volontiers l’enfance dans ses contes d’ogres et de géants : et la première jeunesse, après l’enfance, est sujette à avoir aussi ses contes d’ogres et de géants au moral. […] Aux tendres soins qu’il prodigua au malade pendant toute la crise, personne n’eut pu deviner la suite, et un témoin oculaire disait à l’ambassadeur de Florence, quelques jours après, que « voir le prince dans son lit, la pâleur de la mort sur le visage, avait été certes un sujet de grande compassion, mais que voir le roi servir incessamment son fils, les yeux remplis de larmes, avait été un spectacle à faire pleurer les pierres. » Chacun, au reste, rivalisa de soins et de zèle ; à cette époque, il est bien clair que ni son père ni personne dans l’État ne désespérait encore du moral du jeune prince âgé de dix-sept ans, et ce fut, par toute l’Espagne, à qui ferait des vœux et des dévotions extraordinaires pour obtenir du Ciel sa guérison et son salut. […] Sa voix est fine et fluette ; il éprouve de la gêne quand il commence à parler, et les mots sortent difficilement de sa bouche ; il prononce mal les r et les l ; en somme toutefois, il sait dire ce qu’il veut, et parvient à se faire comprendre assez bien. » Suivent quelques détails sur son moral, un peu mêlés, et où il entre du pour et du contre.