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409. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Il n’était pas de ceux dont il s’est moqué quelque part, et qui, lorsqu’un génie trébuche ou qu’un grand homme tombe, se sentent tout enchantés et allégés, « comme si leur supérieur était mort et s’ils avaient reçu de l’avancement. » Une statue, érigée à Weimar, et due au talent de Reitschel, nous le montre rayonnant et heureux, imposant et doux, décernant la couronne à Schiller qui, debout à côté de lui, la reçoit de sa main presque sans y penser, le front inspiré et rêveur. […] Ce sont, hommes et femmes, des marionnettes incapables de vivre ; elles ont des proportions habilement conçues, mais, sur leur charpente de bois ou d’acier, ces poupées n’ont absolument que du rembourrage ; l’auteur les fait manœuvrer sans pitié, les tourne et les disloque dans les positions les plus bizarres, les torture, les fustige, déchire leur âme et leur corps, et met sans pitié en pièces et en morceaux ce qui, il est vrai, n’a aucune chair véritable : — et tout cela est l’œuvre d’un homme qui montre de grandes qualités d’historien éloquent, et auquel on ne peut refuser une vive puissance d’imagination, sans laquelle il lui serait impossible de produire de pareilles abominations. » — Vous qui parlez sans cesse de liberté, qui la voulez dans l’art et en tout, soyez conséquents ; sachez admettre et supporter les manières de sentir, même les plus opposées à la vôtre, quand elles sont sincères.

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