Elle n’était ni une pédante, ni une précieuse et un bas bleu, pas le moins du monde ; et bien qu’il y ait dans ce qu’elle a écrit et ce qu’on a sous les yeux des pages qui, à distance et avec un peu de mauvaise volonté, permettraient de juger d’elle autrement, je reste persuadé et je soutiens que ces taches ou ces roideurs ne sont pas essentielles, qu’elles n’allaient pas en elle jusqu’à affecter et gâter la femme vivante ; c’est de la littérature écrite imitée, un pli de la mode, rien de plus. […] Je me reproche de n’avoir pas connu toute l’étendue de ses qualités ; j’avais un peu de prévention contre les femmes politiques, et je lui trouvais trop de cette disposition défiante qui tient à l’ignorance du monde. » Cette ignorance du monde, — une ignorance relative, — a été l’un des malheurs de Mme Roland au moment de son entrée dans la politique. Quelque distingué que fût le groupe des Girondins, il ne s’y trouvait aucun homme réellement supérieur par le coup d’œil, et, comme Dumont l’a également remarqué, elle en fut réduite à s’exalter et à se monter la tête pour des esprits qui ne la valaient pas : « Il a manqué à son développement intellectuel (c’est encore Dumont qui parle) une plus grande connaissance du monde, et des liaisons avec des hommes d’un jugement plus fort que le sien. […] M. de Lamartine a là-dessus une fort belle page41 : c’est au point de départ de la jeune fille et à l’époque où Manon Phlipon voyait encore le monde et ses horizons lointains de sa fenêtre du quai de l’Horloge : « Du fond de cette vie retirée, elle apercevait quelquefois le monde supérieur qui brillait au-dessus d’elle ; les éclairs qui lui découvraient la haute société offensaient ses regards plus qu’ils ne l’éblouissaient. L’orgueil de ce monde aristocratique qui la voyait, sans la compter, pesait sur son âme.