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587. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Mme André Léo ne se débarrasse jamais entièrement de ce ton d’institutrice, qui apprend ses devoirs et ses droits au pauvre monde, et qui gâte, à toute place, le talent qu’elle aurait peut-être sans cet insupportable ton, La raideur de l’institutrice, — de ce piquet intellectuel qu’on appelle une institutrice, — supprime les mollesses de la femme, qui feraient son génie, comme les rondeurs font sa beauté, et durcit, quand elle l’a, jusqu’au sentiment maternel. […] Elle déteste, en eux, le christianisme qu’ils apprennent à la jeunesse future, parce que le Christianisme c’est le passé du monde et de la France, et « ce qu’on doit haïr, c’est le passé », dit-elle avec la rigueur d’un axiome. […] Mais à présent qu’elles ont passé du monde littéraire dans le monde moral et social, elles, veulent, absolument être de petits hommes — et les maris de leurs maris ! […] Elle dépasse en pédantisme de toute sorte, toutes les plus fortes pédantes de l’Angleterre, cette terre natale des bas-bleus, qui les a vomis sur le monde et à qui je voudrais les faire ravaler ! […] Elle ne se contente pas de peindre la campagne, elle la cultive et la fume… On est étonné dans ses œuvres de l’amour de la nature qui se voit, à côté de la nature qui rapporte… On est étonné de ces descriptions, romantiques et mièvres, sous la plume d’un écrivain si sérieux, quand tout à coup au milieu d’elles, dans le plus brillant de leurs draperies et de leurs déroulements de paysages, il se fait un trou ; et la tête de l’institutrice passe par ce trou et nous lâche des phrases de cette institution : « l’âme échappant aux lois dont elle fait partie, habite le monde absolu des idées où la durée s’absorbe dans l’éternité de l’être ».

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