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1835. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Perrault était l’homme de confiance de Colbert, auprès de qui il avait remplacé Chapelain : esprit ouvert, inventif, un peu trop assuré et présomptueux, comme sont souvent les gens qui se sont formés eux-mêmes, incapable de douter de son savoir, comme de se douter de ses ignorances, ayant plutôt la curiosité d’un amateur et l’intelligence d’un directeur des beaux-arts que les dons d’un écrivain ou d’un critique, faisant une forte cabale avec ses deux frères, le receveur des finances et le médecin, fort appliqués comme lui aux sciences et aux arts, et fort répandus aussi dans le monde. […] Dès la préface du premier volume, Perrault prenait position comme un homme du monde engagé contre des pédants et des cuistres : il se représente bataillant contre « un certain peuple tumultueux de savants qui, entêtés de l’antiquité, n’estiment que le talent d’entendre bien les vieux auteurs ». […] On voit combien Boileau améliorait la théorie de Perrault, en substituant à cette loi de fer du progrès constant, universel, qui fait violence aux faits par la régularité mécanique et monotone de son jeu hypothétique, un principe infiniment plus flexible, plus voisin de la réalité, et qui s’y adapte sans peine pour l’exprimer : distinguer dans le mouvement général du monde intellectuel une pluralité de petits mouvements, des séries partielles ascendantes ou descendantes, se succédant, s’enchevêtrant, s’ajoutant, se contrariant, se figurer la marche de la littérature, non plus comme offrant la rigidité d’une ligne droite, mais comme une quantité de lignes brisées ou courbes du dessin le plus capricieux, c’était prendre la notion du rythme ondoyant des choses, et ni plus ni moins qu’introduire dans la critique la doctrine de l’évolution. […] Ou plutôt ne se douta-t-il pas qu’il avait devant les yeux un monde nouveau ?

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