On le voit, dès l’âge de douze ans, dans une lettre pleine de grâce (et à laquelle je n’ai attaché d’ailleurs qu’une importance secondaire, car l’authenticité ne m’en est pas complétement démontrée), on le voit allant dans le monde avec son gouverneur, comme un petit monsieur, l’épée au côté, et déjà très-attentif aux louis d’or qui roulent sur les tables de jeu. […] Quand un personnage public passe sa vie dans le monde et dans les salons, ce qu’il y dit soir et matin est tout aussi authentique que le discours écrit qu’il apporte une fois par mois à la tribune. […] Je me le suis souvent reproché, mais j’ai tant couru le monde, surtout depuis le printemps, que je ne savais où je pourrais recevoir votre réponse, et c’est bien dans l’espoir d’obtenir de vos nouvelles, et par le besoin de cœur que j’en ai, que je vous écris. […] Il n’y a pas un livre un peu utile qui ne soit à ma disposition, et les bibliothécaires sont les gens les plus prévenants du monde. […] Ce genre d’explication rentre tout à fait dans l’opinion de Fauriel telle que je l’ai trouvée exprimée dans ses papiers ; celui-ci comparait Benjamin Constant à La Rochefoucauld en un sens : il attribuait le manque de principes qu’on lui voyait, et ce mépris des hommes qui s’affichait jusqu’à travers son républicanisme d’alors, au premier monde dans lequel il avait vécu.