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809. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker, dont la fortune était faite, s’était retiré de la banque à ce moment ; il était devenu ministre de la république de Genève auprès de la cour de Versailles, et il visait plus haut : il aspirait à une carrière politique en France. […] De même, Mazarin, à l’heure de sa mort, désigne-t-il Colbert à Louis XIV par ce mot si connu : « Sire, je vous dois tout, et je crois m’acquitter en partie en vous donnant Colbert » ; l’écrivain, gâtant la belle simplicité du mot, et dénaturant l’inspiration toute politique de Mazarin, dira : « Dans ce moment terrible où l’Éternité qui s’ouvre à nos yeux étouffe nos passions, et nous presse de dévouer un dernier instant à la justice et à la vérité, Mazarin adressa ces paroles à Louis XIV… » Les médisants prétendaient avoir trouvé de la ressemblance entre la manière du nouvel écrivain et celle de Thomas, avec qui on le savait très lié ; si toutes les phrases avaient été dans cette forme, la médisance aurait pu prendre crédit ; mais la plupart des défauts de M.  […] À tout moment l’orateur académique se définit involontairement à travers son sujet et semble se désigner lui-même. […] Je pourrais relever bien d’autres singularités de pensée et d’expression dans ce discours ; je me hâte d’ajouter que, malgré tout, il réussit fort tant à l’Académie que devant le public ; les juges les plus difficiles, en s’accordant à reconnaître « que la langue semblait manquer à tout moment à l’auteur », le lui passèrent en faveur de ce qu’on appelait l’énergie ou la nouveauté de ses pensées. […] Il y a encore le moment où l’on passe du salon dans la salle à manger qui est une épreuve périlleuse, et qui devient le signal du grand conflit pour les amours-propres : il est merveilleusement décrit.

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